VAUX et BASCON
deux milieux libres au début du XX ème
siècle

C'est à Vaux, hameau de la commune
d'Essomes-sur-Marne, qu'eut lieu la première expérience de vie
communautaire anarchiste en France, sous le nom de Milieu Libre de Vaux.
En 1902 des militants anarchistes, fatigués
de passer des soirées à parler de la société future,
constituent une << Société instituée pour la création
et le développement d'un milieu libre >>. Ils espèrent
par cette tentative aider à prouver aux hommes que c'est dans le communisme
libre qu'il est nécessaire de rechercher le bonheur individuel. Il
faut d'abord réunir un grand nombre de sociétaires s'engageant
à souscrire selon leur volonté et leurs facultés afin
de créer un Milieu Libre. Grâce à la proclamation dans
les journeaux anarchistes les co-sociétaires sont 250 environ à
la fin de 1902. Ceux qui veulent tenter l'expérience constituent un
deuxième groupe. Le principe fondamental de l'expérience est
: chacun produira selon ses forces, chacun consommera selon ses besoins.
C'est
donc à Vaux, hameau de la comune d' Essomes-sur-Marne, près de
Château-Thierry, que va s'établir le Milieu Libre. C'est en France
la première expérience de ce genre et la seule qui ne fut pas
éphémère. Pourquoi Vaux ? parce que dans ce hameau vivait
un homme de 69 ans, le père Alphonse Boutin, qui, s'enthousiasma à
cette idée d'une vie idyllique de communisme et de camaraderie et offrit
sa maison et deux hectares de terre pour permettre aux nouveaux colons de réaliser
leur idéal commun, à condition de participer à l'expérience.
Un
bulletin mensuel était imprimé à la colonie. On y apprend
qu'il y a 13 colons en mai 1904. Pour assuer leur existence ils pratiquaient
l'agriculture mais ils avaient aussi une petite fabrique de bonneterie et un
atelier de tailleurs. Des écrivains venaient encourager la colonie par
leur présence et leurs articles dans la presse, ce fut le cas de Lucien
Descaves, Elisée Reclus, Maurice Donnay .... Georges Butaud cite même,
dans une conversation avec Georges Navel, la venue , à bicyclette, en
1903 de Lénine qui se trouvait temporairement à Paris pour des
conférences. Par la suite des désaccords survinrent à la
colonie au sujet de la gestion. Boutin partit. En 1905 il n'y avait plus que
7 colons : quatre hommes, deux femmes et un enfant. En fevrier 1907 la société
Le Milieu Libre fut dissoute. Le journal anarchiste Le Libertaire essaya d'en
tirer les leçons : << L'intolérance et l'autoritarisme sont
les principaux facteurs de discorde et de désunion. C'est l'esprit bourgeois
qui subsiste jusque dans le Milieu Libre, le sale état d'âme consistant
à critiquer ce que fait le voisin, à mesurer son effort, à
peser son travail et à discuter sur la somme d'activité de pensée.>>
La conclusion est sans appel selon le journal anarchiste : << Dés
qu'on oublie la formule "De chacun selon ses forces" on retombe forcément
dans le plus sale patronat ou dans le plus puant collectivisme.>>
Après
l'échec du Milieu Libre de Vaux en 1907, une nouvelle tentative va avoir
lieu en 1911, à 800 mètres de Vaux, à Bascon. Cette nouvelle
tentative de Milieu Libre ayant des difficultés va prendre très
vite une autre orientation. Elle va devenir la colonie naturiste et végétalienne
de Bascon.
Elle
est toujours initiée par Georges Butaud qui crée même une
Société végétalienne communiste. <<Il s'agissait
de quitter le travail
salarié et de vivre sur un lopin de terre en Robinsons.>> Les colons suivaient
scrupuleusement un régime exclusivement végétalien
selon les recommandations du docteur Paul Carton. L'un des colons, Louis Rimbault,
anarchiste végétalien, y inventa un véritable
aliment complet composé de 34 variétés potagères,
une salade qu'il appela la Basconnaise. Cette salade était aussi servie
aux
Foyers Végétaliens de Paris et de Nice. Deux écrivains
anarchistes ont séjourné un certain temps à Bascon : Héléne
Patou et
Georges Navel. Il y eut aussi des visites de Raymond Duncan, de sa soeur la
danseuse Isadora Duncan et du philosophe anarchiste
Han Ryner. C'est surtout de 1919 à 1926 que de nombreux adeptes affluèrent
à Bascon. Certains venaient de l'étranger comme
l'ingénieur et inventeur Victor Lorenc, propagandiste du végétalisme
et de l'anti-alcoolisme. Il vécut avec Georges Butaud et Sophie Zaïkowska.
La colonie cessa sa pleine activité en 1931 mais continua sous forme
de colonie végétarienne de vacances, centre naturiste et auberge
de jeunesse << La Basconnaise >> jusqu'en 1951. Un colon original,
Jean Labat dit Godec, arrivé à Bascon en 1919, a laissé
des souvenirs dans le voisinage. Il allait, le vendredi, sur la place du marché
de Château-Thierry. Il photographiait les personnes qui le désiraient
moyennant quelques francs et vendait des cartes postales de la colonie. A cause
de sa barbe hirsute, de sa longue chevelure et du fait qu'il se promenait nu-pieds,vêtu
reès légérement, il était surnommé Jésus-Christ.
Il excitait évidemment la curiosité de tous et développait
ses théories sur le végétalisme, la nocivité du
tabac et de l'alcool.......
Une violente dispute à Bascon avec un autre colon d'origine serbe, Dragolioub
Ilitch fut à l'origine de sa mort en 1938.


Le
Premier colon arriva en janvier 1903, c'était un cultivateur breton.
En mars, Georges Butaud, le promoteur du mouvement et sa compagne, Sophie Zaïkowska
arrivèrent à leur tour
Source
: Tony Legendre : Expériences de vie communautaire anarchiste en France
(Vaux-Bascon)
Les Editions Libertaires-2006